Ouest France, 5 novembre 2005

AU RWANDA, LA RECONSTRUCTION APRES L'HORREUR

11 ans après le génocide de 1994, le groupe de Châteaubriant revient sur ces événements tragiques en invitant le jeudi 10 novembre Amélie Schafer Mutarabayire, présidente de l'association Subira Useke, « Retrouve le sourire ».

En 1994, le Rwanda, petit pays de l'Afrique des Grands Lacs, était la proie d'un effroyable génocide. 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été assassinés. En juin, le groupe local d'Amnesty International s'était associé à Atlantic ciné pour la projection du film « Hotel Rwanda », qui rappelait ces événements.

Quelque 11 ans après, qu'en est-il des survivants ? Pour faire connaître leur situation, le groupe Amnesty de Châteaubriant invite Amélie Schafer Mutarabayire, présidente de l'association Subira Useke et psychothérapeute.

D'origine rwandaise, cette habitante de Loire-Atlantique a perdu une grande partie de sa famille en 1994. Accompagnée de Catherine Degrange, historienne, elle présentera son association créée dès 1995 dans l'est du Rwanda.

Née dans un pays aux structures ravagées, l'association a d'abord voulu apporter une aide d'urgence aux orphelins et veuves du génocide. Pour cela, elle a mis en place une organisation de type coopératif, qui a permis aux veuves de se soutenir mutuellement tout en travaillant ensemble.

Cette structure s'autofinance depuis quatre ans. En janvier 2004, Subira Useke s'est dotée d'un centre de formation pour 50 jeunes proposant, entre autres, de la coupe couture et de la menuiserie. Soutenue par différents donateurs, l'association reçoit l'aide du conseil général de Loire-Atlantique.

Actuellement, Subira Useke se préoccupe de l'accompagnement psychologique des jeunes rescapés, qui subissent toujours les séquelles du traumatisme connu dans leur petite enfance.

 

SUBIRA USEKE POUR RETROUVER LE SOURIRE

Personne n'a pu oublier les terribles images du génocide rwandais perpétré en 1994. Amélie Schafer, née au Rwanda et psychothérapeute à Ancenis, a créé une association, Subira Useke. Son prochain objectif : la création de lieux d'écoute pour aider les jeunes adultes victimes des traumatismes spécifiques du génocide.

« Nous avons besoin de conseillers ! » C'est le cri des enfants rwandais, victimes du génocide. Beaucoup d'entre eux n'avaient que quelques années quand les hostilités ont débuté. Amélie Schafer, originaire du Rwanda, a entendu leur demande. Psychothérapeute à Ancenis, elle connaît la valeur des mots. Elle est allée au-delà. Avec la compréhension que lui permet sa double culture.

« En Afrique, on se confie beaucoup à sa mère, à une tante ou à un oncle. Au Rwanda, la cellule familiale a été décimée par la guerre. Il ne reste plus personne avec qui échanger. Pas un aîné qui puisse expliquer ce qui est bon ou mauvais. » Une situation qui génère d'énormes difficultés à se projeter dans l'avenir. Il n'existe plus de repères. Toutes les valeurs de base sont à recréer.

Amélie Schafer a créé une association, Subira Useke (Retrouve le sourire en français) il y a tout juste dix ans. À l'origine, elle avait pour but d'aider les orphelins et les veuves, abandonnés dans le plus total dénuement. Outre la création de coopératives, l'association a également créé un centre de formation pour les jeunes. Ils y apprennent la couture, la teinture des tissus ou encore la menuiserie.

Le prochain objectif de Subira Useke est de créer des lieux d'écoute pour ces enfants coupés de leurs racines, qui vivent souvent à côté de leurs bourreaux. « J'étais au Rwanda en août dernier. J'ai constaté que ces jeunes, âgés aujourd'hui de 15 à 25 ans, manquent de soutien psychologique. »

Certains, reconnus comme malades, sont soignés à l'hôpital psychiatrique de Kigali. Pour les autres, ceux qui se taisent faute de ne pouvoir être entendus, il n'existe rien.

« Des enseignants, des assistantes sociales, des infirmiers se sont porté volontaires pour suivre une formation d'écoutant. Ils nous ont même proposé des salles dans les écoles, les centres de soins. Mais le problème, c'est de constituer une équipe de formateurs. » Amélie Schaffer a déjà contacté des spécialistes qui ont travaillé avec des victimes de la Shoah : « Les traumatismes d'un génocide sont particuliers » Elle lance donc un appel aux psychologues ou aux psychothérapeutes qui connaissent la culture africaine.

« Il est essentiel que ces jeunes rescapés qui souffrent de séquelles spécifiques au génocide soient pris en charge. Faute de quoi, ils continueront à se vivre comme des morts debout. »

Rosanne NOURRY-BOUVIER.